A 60 ans révolus, Amadou Sow est un personnage qui inspire respect et admiration. Président de l’Association Inter villageoise (AIV) du Ndiael, Mama comme l’appellent affectueusement les membres de sa communauté, est un symbole fort et une référence dans la bataille pour la préservation et la conservation de l’écosystème de son terroir. L’AIV qui regroupe les 32 villages situés dans la Réserve spéciale d’avifaune du Ndiaël et dans sa périphérie, vient de recevoir à Bonn, Allemagne, le Prix AEWA 2015 que sa structure a remporté pour ses efforts dans la remise en eau de ce site Ramsar inscrit sur le registre de Montreux depuis 1990. Voici la carte d’identité de ce religieux adepte de la préservation de l’environnement.
Au début rien ne présageait pourtant du parcours de ce fils unique d’un père qui choisit personnellement d’initier Amadou Sow à la connaissance et à l’assimilation du coran plutôt que l’apprentissage à la langue et à l’école française. Sous la coupe réglée de son père, Amadou, né le 25 Octobre 1955, reçoit une instruction approfondie du Coran et de l’arabe puis se spécialise dans le droit islamique, la charia. Il devient Imam et est confirmé chef de son village en 1999, en plus de son statut de cadi (autorité judiciaire en Islam) dans sa localité.
Plusieurs décennies plus tard, celui qui est devenu Président de l’AIV Ndiaël, est conscient que l’énorme tâche consistant à redonner son lustre d’antan à la Réserve spéciale d’avifaune du Ndiaël (RSAN) passe par une adaptation aux réalités exigeantes de son époque dans les domaines du savoir et de la connaissance. Une occasion pour M. Sow de concrétiser une vieille promesse que son père, alors grand marabout et notable du village de Raynabé 1 avait faite à son ami Woula Ndiaye, ancien chef d’arrondissement de Ross Béthio. “Amadou Sow pourra apprendre le français, seulement après avoir affûté ses connaissances du coran et de l’arabe”.
Autodidacte, Amadou Sow ou Mama comme on l’appelle affectueusement dans sa contrée, est sensible aux préjugés locaux qui pourraient tourner en dérision son désir de vieil homme déterminé à s’instruire en Français. Il évite alors les cours du soir dans la ville de Ross Béthio où il est très connu et choisit de s’inscrire comme auditeur libre à l’examen du Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE) ‘’ pour ne pas être la risée des gens’’, se souvient-il.
A 59 ans, Amadou Sow participe avec des candidats du Cours Moyen Elémentaire ayant l’âge de ses petits-fils, à la session de Juin 2014. Il obtient son Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE), le premier “diplôme” de l’école primaire reconnu par le système académique du Sénégal. (Voir Vidéo)
Son Certificat de fin d’études élémentaires, Amadou Sow le savoure fièrement et le fait savoir à qui veut l’entendre. Et lorsqu’on lui demande s’il franchira le pas pour s’attaquer au brevet de fin d’études moyennes (BFEM), Amadou Sow répond stoïque, “Tout dépend des forces intellectuelles que mon âge voudra bien m’accorder”.
Passionné des Technologies de l’Information et de la Communication, Amadou Sow étrenne fièrement son ordinateur portable. Il est alphabétisé en Microsoft Word, utilise la feuille de calcul numérique Excel et sait tenir à jour ses documents comptables.
En outre, Amadou Sow se ballade toujours dans la Réserve du Ndiaël avec son appareil GPS de géolocalisation qu’il a appris à manipuler à la suite d’une formation avec les techniciens du bureau régional Afrique de Wetlands International, spécialisée dans la gestion et la conservation les zones humides. Cet Imam, juge religieux et chef de village participe activement au suivi écologique et ornithologique dans cette réserve pour laquelle il mobilise toutes ses forces et son énergie.
Des efforts récompensés par le prestigieux Prix 2015 de l’Accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA) dédié aux institutions que l’AIV Ndiaël, a remporté cette année. C’est donc en président comblé qu’Amadou Sow a reçu au nom de l’Association Inter Villageoise (AIV) du Ndiaël, la distinction le 09 novembre dernier à Bonn, en Allemagne à l’occasion de la 6e Réunion triennale des Parties (MOP6). Une consécration pour cet homme devenu le symbole des programmes de remise en eau et de revitalisation en cours dans le Ndiaël. Rien ne plus se faire dans la zone sans son implication et celle de son organisation connue dans le monde grâce à Wetlands International et le prix remporté récemment.